Fabienne déploie ses bras au-dessus de sa tête et semble dessiner une bulle autour d’elle.
Les yeux fermés, on se croirait presque seul. Quelques craquements du parquet viennent à peine briser le silence. De légers bruits de froissements de tissus ou des respirations lentes se font également entendre parfois. Et nous font comprendre que d’autres personnes sont avec nous, dans cette pièce unique. Elles sont neuf, à danser et remplir l’espace.
Nichée à même la roche, au pied du château de Valère, c’est dans cette salle que se retrouvent, Carole, Fabienne, Nicole et Yannaëlle. Si Carole travaille à l’atelier Impression-Gravure de la Fovahm, Yannaëlle est à l’atelier Alimentaire et Fabienne fait équipe avec Nicole à l’atelier Tampographie. Toutes ont leur vie, leurs amis, leur famille, leurs habitudes différentes, mais une fois la semaine terminée, elles se retrouvent au même endroit, pour danser, de manière inclusive.
Ce soir, c’est la première répétition de la compagnie la Troupe, après la pause estivale. Cette troupe de danse contemporaine et d’improvisation est ouverte à tous : danseurs confirmés ou débutants ; personnes avec ou sans handicap. De nouvelles arrivantes se mêlent ainsi au groupe des habitués. Un cercle se forme. Tour à tour, Carole, Claire, Anette, Fabienne, Nicole, Estelle, Soisic, Marianne, Audrey et Michel se présentent, le tout en mouvement.
« Je m’appelle Carole. J’aime danser. Je danse depuis très, très, très longtemps. » Carole adresse un regard complice à Audrey, chorégraphe et professeure de danse. Toutes deux se connaissent depuis 30 ans. A cette période, Audrey Bestenheider débute des remplacements pour des cours de danse organisés par l’ASA-Valais (association valaisanne d’aide aux personnes avec une déficience intellectuelle). Avec les personnes en situation de handicap, elle y découvre une autre façon de danser : « C’était extraordinaire de liberté ! Toutes avaient une telle joie de danser qu’il fallait partager ça ! » C’est ainsi que la compagnie de danse inclusive la Troupe a vu le jour. Ce regroupement a créé en 2022 le spectacle Qui Suis-Je ? chapeauté par l’association T’Y, en partenariat avec l’ASA-Valais, et s’est ainsi produit à de nombreuses reprises.
Dans la salle de danse, le tour des présentations est terminé et l’échauffement commence. Sous forme participative, chaque danseur propose un mouvement pour préparer une partie spécifique du corps. Si le silence est observé pendant les exercices, le partage des ressentis est exprimé ensuite : « Ca picote. Ca fourmille, Ca circule. » Le corps échauffé, la danse peut commencer.
Trois minutes de danse improvisée. En silence. Grâce à ce silence, chaque personne bouge selon son propre tempo. Sans rythme imposé par une musique. Sans cadre donné. Sans réfléchir à ce qui est juste. Sans jugement. Bouger, danser, en toute liberté. Et c’est ce qui a plu à Soisic : « J’aime bouger. Ici, c’est un espace bienveillant. On ressent. Sans réfléchir. »
Fabienne commence sa danse en marchant, puis s’assied, roule sur le dos, déploie ses bras au-dessus de sa tête et semble dessiner une bulle autour d’elle. Chaque membre de la Troupe est dans son propre espace, tout en cohabitant parfaitement avec ceux qui dansent autour. Ils se croisent sans jamais se heurter. Des duos sont ensuite formés ; une personne au sol est entièrement détendue pendant que la seconde lui bouge sa tête, ses bras ou jambes. Travailler à ressentir, au plus profond de soi, ce que le mouvement crée.
Puis vient le moment de changer de rythme et de réveiller le violon.
La particularité de la Troupe est d’être accompagnée et sensibilisée à la musique en live par une musicienne professionnelle, Françoise Albelda ; piano, accordéon, percussion ou guitare, les instruments sont divers. D’autres musiciens se joignent ponctuellement à la Troupe et ce soir, c’est Marianne et son violon qui réveillent les danseurs. Ou plutôt l’inverse pour débuter. Chaque personne choisit ses mouvements et impose son rythme à la musicienne. D’abord séparément, tour à tour, puis à deux ou plusieurs, les danseurs s’expriment en lien avec les vibrations et les sons de l’instrument. C’est une danse commune improvisée qui se créé où l’on ne sait plus qui rythme qui, qui dirige qui, mais où tout est fluide et semble aller de soi, comme une multitude de notes différentes qui trouveraient chacune sa place dans la symphonie.
Après deux heures de travail, les danseurs calment le rythme et reforment le cercle du départ. Ensemble, ils échangent encore sur leur ressenti et partagent leurs sensations avant de faire résonner le cri de la Troupe qui vibre contre la roche au pied du château de Valère. Ils se quittent. Pour mieux se retrouver la semaine suivante.
Pour plus d’informations sur la compagnie la Troupe :
Audrey Bestenheider 079 228 05 85 ou par email : abraconte@bluewin.ch
Prochaines dates des cours :
- vendredis de 16h45 à 18h45
4, 11 octobre
8, 22 novembre
13 décembre
- samedis de 9h30 à 11h30
5 octobre
23 novembre
Ces cours peuvent aussi faire office d’ateliers-découvertes pour ceux qui le souhaitent, en contactant Audrey Bestenheider au préalable. La Troupe figure dans le programme des cours proposés par l’ASA-Valais. Il y a également un atelier mouvement et danse les mardis soir, comme préparation.
par Juliana Seiler, Fovahm
Pour des raisons de lisibilité, le masculin générique est utilisé dans cet article, qui inclut toutes les personnes.